Shetland
Hors des sentiers battus

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La distance entre les Orcades et les Shetland n'est que d'environ 60 milles et un bon abri est judicieusement disposé sur la petite île de Far Isle, à mi-distance, dont nous n'aurons pas besoin. Cela ressemble donc encore à une croisière côtière et le vent nous porte.
Gaëlle et Bruno Gaëlle et Bruno

La Volta II trace son sillage, encore et toujours vers le nord.


Nous devons toutefois tirer des bords pour contourner Sumburgh Head, la pointe sud des Shetland, et La Volta II est chahutée dans les eaux tumultueuses du Sumburgh Röst (le « röst » ou « roost » est une zone de mer dangereuse car rendue agitée et confuse par les courants).

« Et le vent continuait à courir et à hurler,
et les eaux insensées du Roost bondissaient et se culbutaient comme devant! »
(R. L. Stevenson, Les Gais Lurons)

Enfin nous rejoignons l'abri de Grutness Voe (un « voe » est un bras de mer). Les toponymes des îles sont issus de l'époque scandinave (voir la page Vikings).

Nous partons en balade alentour. De nombreuses mouettes nichent sur les parois de la pointe, entre lesquelles se pressent des groupes compacts de guillemots. Les macareux sont présents et certains se laissent approcher à 3 mètres. Nous identifions les deux derniers oiseaux de notre livre qui ne l'étaient pas encore: le pétrel fulmar, et surtout le grand labbe, seigneur du littoral, aux allures de rapace.
Macareux


Les macareux moine.



Un peu plus loin s'étend l'étonnant site archéologique de Jarlshof, qui couvre de nombreuses périodes depuis le néolithique jusqu'à la prise de possession par l'Ecosse, en passant par l'époque Viking (voir la page Vikings).
Notre abri est ouvert au nord-est et la météo annonce une bascule du vent dans cette direction. Nous affrontons de nouveau la mer capricieuse du Sumburgh Röst, dont l'une des vagues remplit le cockpit, et tirons des bords jusqu'à St Ninian's Bay, fermée de tous côtés et protégée du nord par un isthme de sable. Gaëlle est à la barre durant toute l'étape et laisse échapper son euphorie une fois l'ancre jetée: elle n'a pas été malade malgré les vagues serrées et déferlantes du röst, dont l'une a à moitié rempli le cockpit. Elle écrit dans le livre de bord: « Navigation dans le ROOST force 5-6. Gaëlle à la barre = même pas malade! Arrivée dans baie magnifique, super bien abritée. Génial! »
La Volta II a l'abri Du côté de St Ninian's bay

St Ninian's bay aux eaux turquoise.


La traditionnelle balade nous mène vers une plage où évoluent des phoques. Depuis l'Ecosse, nous découvrons des côtes découpées aux nombreux et bons abris, aux implantations humaines éparses, peu fréquentées par les touristes et les voiliers (à l'exception de quelques coins des Hébrides intérieures). Le résultat est une faune côtière beaucoup plus riche que sur notre littoral, en particulier en ce qui concerne les oiseaux et les phoques. Autre conséquence, les contacts humains sont plus spontanés.
Nous rentrons au bateau juste avant l'arrivée d'un coup de vent. L'ancre est bien crochée sur le sable, et nous profitons de ces moments privilégiés à l'abri du carré, pour lire, écrire ou simplement écouter le sifflement du vent dans les haubans. Ca piaule! Nous décidons de faire des quarts de veille au mouillage durant la nuit pour prévenir un éventuel dérapage de l'ancre. Mais ça tient bon.
Nous levons l'ancre par un temps apaisé pour une courte étape vers le nord jusqu'au port de Scalloway, étape qui nous fait franchir le 60ème parallèle Nord. Arielle identifie le guillemot à miroir, beaucoup plus rare et plus discret que son cousin de Troïl, tout noir avec deux éclatantes tâches blanches sur les ailes. Nous nous amarrons à un ponton, où nous sommes seuls, c'est gratuit, tout comme les douches, qui sont chaudes, c'est super, un pêcheur s'amarre à côté, il nous interpelle, « Do you want some fish? - Why not? », il nous offre quatre beaux carrelets (notre technique de pêche s'affine), nous nous délestons alors d'une bouteille de blanc en remerciement, et le soir, à bord de La Volta II, nous en débouchons une autre pour nous et faisons un repas digne du 60ème parallèle!
Le château de Scalloway témoigne de son passé d'ancienne capitale des Shetland. Nous prenons le bus pour Lerwick qui lui a succédé. Nous déambulons le long des quais, passant de l'imposant paquebot Norrona (qui fait la liaison Scandinavie - Islande) à une dizaine de voiliers visiteurs, essentiellement norvégiens, en passant par d'élégants vieux gréements. L'un de leurs skippers n'est autre que Roger, qui nous présente sa femme autour d'une tasse de café. Les retrouvailles sont joyeuses et chaleureuses, nous sommes comme de vieux amis!
Notre voilier repart, sous la pluie cette fois. Nous longeons les îlots de Merry Holm et Green Holm, dépassons les rochers de Papa Skerry et Hoe Skerry, apercevons au loin l'anse de Hamna Voe, laissons l'île d'Hildasay à tribord, puis les pointes de Skelda Ness et de Wats Ness, nous méfions des récifs de Huxter Baas et Housa Baas dans le passage du Sound of Papa, puis la direction du vent nous fait préférer finalement l'abri de Housa Voe à celui d'Hamna Voe (encore un) sur l'île de Papa Stour. Ces toponymes nous confirment que nous sommes bien aux Shetland!
Nous faisons le tour de l'île de Papa Stour à la voile. La côte ouest nous offre la vision de falaises spectaculaires, de nombreuses arches et grottes, d'îlots aux parois abruptes. Nous nous réfugions cette fois dans le refuge d'Hamna voe. Nous avisons une maison en ruines. L'île était autrefois beaucoup plus peuplée. Il ne reste aujourd'hui qu'une centaine d'habitants.
Gaëlle et Bruno explorent les grottes alentour avec l'annexe.
En annexe


C'est l'expédition!


Puis Bruno part à pied à travers l'île. Il traverse sans s'en apercevoir la piste de l'aéroport où broutent quelques moutons, croise encore quelques traces des Vikings, puis une petite église rustique entourée d'un cimetière. On peut y discerner, sur les plus vielles pierres, des dates du XVIIIe siècle à peine lisibles. Le nom de famille de notre ami Billy, « Hughson », apparaît sur plusieurs tombes.
Nous mettons le cap sur Brae, petite ville d'où nous appelons Billy. Notre ami nous fait visiter ce coin des Shetland avec sa voiture, il fait beau, la côte est encore spectaculaire. Les étendues de bruyère ou de pâturage ont été creusées par endroits afin d'y extraire de la tourbe, qui doit ensuite être séchée avant de pouvoir être brûlée. Puis Billy nous amène chez lui, dans une jolie maison surplombant un « voe ». Nous apprenons que les tombes vues par Bruno au cimetière de Papa Stour sont celles de ses ancêtres, qui ont habité dans la maison en ruines que nous avions aperçue depuis notre mouillage!
Nous faisons connaissance avec la femme et la belle-sœur de Billy, qui nous proposent de nous faire rapidement quelques sandwiches car nous projetons de partir le soir-même pour les Féroé. Billy nous parle de sa vie de marin. Il est mécanicien sur un gros bateau de pêche. La saison bat son plein surtout en hiver, quand les nouveaux quotas sont délivrés. Il ne travaille qu'environ la moitié de l'année et est payé selon la quantité de poisson pêché, ce qui lui fait un très bon salaire. Il a beaucoup de temps libre en été, et l'occupe en partie à retaper un bateau en bois qu'il a acheté en Espagne.
Lorsque nous passons à table en quête de nos sandwiches, c'est un magnifique buffet qui nous est proposé! Enfin, après le whisky et le champagne (de France), nous quittons nos nouveaux amis, émus par un si bel accueil.
Le soir-même de ce 17 juin, nous mettons le cap sur les îles Féroé, à 190 milles. Lors de la semaine passée dans l'archipel des Shetland, La Volta II n'a jamais croisé d'autre voilier, ni en mer ni au port. C'est peut-être puéril, mais il y a une certaine satisfaction à le constater (au moins de la part de Bruno!).

La navigation continue :

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